Chapitre 1 : Les Cendres du Premier Monde

Frost pénétra dans le premier monde, baptisé "Le Néant de Cendres", un lieu dont la simple existence semblait défier toute notion d’espoir. Dès qu’il franchit le seuil dimensionnel, une vague de chaleur sèche le frappa, chargée de l’odeur amère de cendres et de métal fondu. Le ciel, d’un noir d’encre, était parcouru de fissures lumineuses, comme autant de blessures ouvertes dans le tissu de la réalité. Tout n’était que désolation.

Des bâtiments autrefois majestueux s’élevaient encore dans l’ombre, mais leurs silhouettes décharnées semblaient plier sous le poids d’un souvenir douloureux. Les arbres, figés dans des poses de souffrance, ressemblaient à des âmes tordues par un cri silencieux. Le sol, quant à lui, était jonché de débris incandescents, où chaque pas soulevait une poussière grise et toxique. Ce monde, jadis florissant, avait été consumé par son propre orgueil.

En progressant à travers ces ruines funestes, Frost ressentit une oppression étrange. L’air semblait vibrer, chargé d’une énergie résiduelle, presque vivante. En fouillant les vestiges de ce qui ressemblait à un centre urbain, il découvrit des écrans brisés et des hologrammes défaillants. Les images projetées, bien que vacillantes, révélaient des fragments d’un passé désormais révolu : des enfants riant dans des parcs luxuriants, des cités lumineuses baignées d’une lueur dorée, et des scientifiques saluant fièrement une invention révolutionnaire.

Ces bribes d’histoire s’effaçaient aussitôt, se dissolvant dans l’air poussiéreux comme des mirages. Mais elles laissaient derrière elles un message clair : les habitants de ce monde avaient dominé une source d’énergie qu’ils appelaient "l’Éclat Luminal", une substance pure et infiniment puissante. Cette découverte, qui avait promis prospérité et grandeur, s’était transformée en une malédiction. Leur soif insatiable de pouvoir les avait poussés à extraire cette énergie jusqu’à épuisement. L’instabilité croissante de l’Éclat avait déclenché une série de réactions en chaîne, culminant en une implosion cataclysmique. En un instant, l’énergie avait carbonisé tout ce qui vivait, ne laissant derrière elle qu’un désert de cendres et des radiations mortelles.

Frost avançait avec prudence, chaque pas alourdissant davantage son âme. Ici et là, il voyait des silhouettes pétrifiées, les vestiges de vies fauchées en pleine action, figées à jamais comme des sculptures de cendres. Un homme tendant la main pour protéger son enfant. Une femme serrant un livre contre elle, peut-être un espoir de transmission. Tous étaient désormais des fragments de mémoire, condamnés à l’oubli.

Après des heures de marche dans ce chaos silencieux, Frost aperçut une structure intacte au loin. Un bâtiment trapu, fait d’un matériau noir résistant aux assauts du temps et de l’énergie destructrice. En s’en approchant, il découvrit une stèle gravée de lettres anciennes mais encore lisibles. Les mots résonnèrent dans son esprit avec une intensité presque surnaturelle :

"Nous avons cru posséder le feu des dieux. Nous sommes devenus les cendres."

Il resta là un moment, absorbant la signification de ces mots, tandis qu’un vent chargé de particules corrosives sifflait autour de lui. Ce monde n’avait aucune chance de renaissance. L’Éclat Luminal, leur bien le plus précieux, avait consumé leur essence, effaçant non seulement leurs corps, mais aussi leurs ambitions, leurs rêves et leurs erreurs.

Mais Frost savait que cette destruction n’était pas vaine. Chaque monde détruit portait une leçon, une pièce du puzzle plus vaste qu’il devait assembler. Alors qu’il quittait les ruines du Néant de Cendres, son regard s’attarda une dernière fois sur la stèle. "Peut-être," pensa-t-il, "que cette leçon pourra sauver d’autres mondes."

Son cœur était lourd, mais sa détermination était intacte. Frost s’engouffra dans le portail qui l’attendait à l’horizon, emportant avec lui la mélancolie de ce premier monde détruit et l’espoir ténu de percer les mystères de sa quête.