La suppression de la salutation, en termes abstraits, a été communément attribuée au thème de l'identité. Ne pas saluer, c'est, en ce sens, ne pas reconnaître l'existence de l'autre personne.
La salutation est également associée aux bonnes manières et considérée comme un signe de civilisation dans les relations interpersonnelles.
Si nous nous arrêtions là dans notre réflexion, supprimer la salutation serait inapproprié ; impoli, incivil et prétentieux en s'attribuant le droit de reconnaître l'existence d'autrui. Est-ce vraiment le cas ?
Il me semble qu'il existe des situations où il est utile ou nécessaire de se protéger de l'existence d'autrui. Loin de ne pas la reconnaître, c'est justement parce qu'on la reconnaît qu'on s'en éloigne. Dans ces cas, on peut dire que supprimer la salutation est une façon de se protéger de l'existence d'autrui et de ne pas lui permettre de faire partie de son monde.
Dans les situations où le manque de respect est tel qu'il provoque des nausées, le fait de supprimer la salutation peut-il également être considéré comme un manque de respect ? Ou plutôt, peut-on parler d'autodéfense ?
Les salutations ont des significations très douces. Le "bonjour" et le "bonsoir" sont des souhaits pour que la journée et la soirée de l'autre personne soient positives. "Bonjour" est une salutation confidentielle, intime, complice. "Bonjour" est un autre souhait, celui d'être en bonne santé.
Si l'on rencontre une personne qui nous a souhaité du mal, serait-il si étrange de choisir de ne pas la saluer ?
On pourrait soutenir, en termes essentiellement religieux, que le fait de dépasser un tort subi par le biais du pardon est plus noble que la suppression de la salutation. Cependant, le pardon exige une certaine forme de repentir, d'excuses, de volonté d'assumer ses responsabilités. Si le fautif ne fait aucun pas vers le pardon et persiste dans sa faute, même le pardon tend à perdre son sens.
Dans ce cas, tendre l'autre joue sans discrimination est néfaste, car cela nous fait paraître passifs face à l'acte répréhensible. La violence domestique est un exemple pour tous.
Dans ma vie, dans mon monde, je peux choisir qui je laisse rester. Il s'ensuit que j'ai le droit de ne pas vouloir de ceux qui m'ont fait me sentir mal, qui m'ont manqué de respect ou qui ont voulu le pire pour moi.
Comme je l'ai dit précédemment, le fait d'enlever la salutation devient une protection, pour empêcher les personnes indésirables d'entrer dans notre monde.
Dans le silence, on peut dire beaucoup de choses. Le silence peut aller jusqu'au cri. Je m'éloigne des personnes qui ont cru pouvoir me manipuler, sans retirer la salutation si la personne n'est pas méchante. Avec les méchants, les choses changent du tout au tout : il suffit d'avoir de la dureté, voire de la rudesse, jusqu'à l'impolitesse. Je n'ai que peu d'intérêt à maintenir la politesse avec ceux qui apportent la cruauté.
Détachement, crainte, éloignement soudain. A chacun son métier. Je m'entends très bien avec ceux qui sont bons, qui n'ont pas le besoin constant de gonfler leur ego.
A qui j'ai déjà refusé mes salutations. A des gens (qui se comptent sur les doigts d'un tiers de main) qui ont fait des choses pour lesquelles un de mes meilleurs amis a été très blessé et qui ont essayé de nous monter l'un contre l'autre. Mais les raisons doivent être énoncées au bon moment avec les bonnes personnes et il y aura un temps et un moyen, aussi parce que la vie elle-même freine les comportements pervers.
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